La Banque centrale européenne a décidé jeudi d’une nouvelle baisse de ses taux directeurs, rassurée par l’inflation tombée au plus bas depuis trois ans dans la zone euro, où c’est désormais la croissance qui est jugée préoccupante
La Banque centrale européenne a abaissé jeudi son principal taux directeur de 0,25 point, confiante dans l’évolution de l’inflation en zone euro vers les 2%, mais sans s’engager sur la suite de l’assouplissement monétaire.
Le taux sur les dépôts, qui fait référence, a été porté à 3,25%. Le processus de désinflation «est en bonne voie», nourri par une économie atone, mais l’institution continuera d’adopter une approche basée «sur les données» pour décider, «réunion par réunion», de l’évolution des taux, estiment dans un communiqué les 25 membres du Conseil des gouverneurs réunis à Ljubljana, la capitale de la Slovénie, pour cette rencontre annuelle délocalisée.
Avec ce deuxième assouplissement monétaire d’affilée, après une décision similaire en septembre, ils prennent le contre-pied de la prudence affichée il y a un mois: ils avaient alors donné le sentiment de vouloir attendre décembre pour desserrer à nouveau la vis monétaire. Mais depuis, l’évolution des prix à la consommation a conforté les partisans des baisses de taux: l’inflation en zone euro a même ralenti plus que prévu en septembre, à 1,7% sur un an, contre une première estimation à 1,8%, a annoncé Eurostat jeudi.
Parallèlement, les signaux inquiétants se sont accumulés pour l’économie du Vieux Continent, encourageant à réduire les taux afin de relancer la consommation et l’investissement.
L’Allemagne s’attend désormais à une nouvelle récession
Même les défenseurs de l’orthodoxie monétaire la plus stricte s’étaient montrés ouverts ces dernières semaines à un nouveau desserrement. «La croissance est encore plus faible que dans les prévisions de la BCE revues à la baisse en septembre, tandis que l’inflation revient vers l’objectif plus vite» qu’attendu, notaient les analystes de Deutsche Bank. En septembre, pour la première fois en plus de trois ans, l’inflation est tombée sous le seuil des 2%, l’objectif fixé par l’institution monétaire de Francfort.
De plus, l’inflation sous-jacente, un indicateur très suivi qui exclut les prix volatils de l’énergie et de l’alimentation, a enregistré un recul à 2,7% en glissement annuel. «L’évolution de l’inflation fait partie des bonnes nouvelles», avait commenté ce mois-ci le responsable de la banque centrale allemande, Joachim Nagel.
Du côté des mauvaises nouvelles, l’Allemagne, jadis la locomotive de la croissance européenne, s’attend désormais à une nouvelle récession cette année.
Le gouvernement allemand vient de revoir en baisse ses prévisions de croissance, tablant sur un recul de 0,2% du PIB cette année dans la première économie européenne, après une contraction de 0,3% en 2023.
Dans la zone euro, l’activité du secteur privé s’est contractée en septembre pour la première fois depuis sept mois, plombée par la fin de l’effet Jeux olympiques en France. La baisse de jeudi ne sera «pas la dernière», avait anticipé début octobre le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Pour autant, le Conseil des gouverneurs ne s’est pas engagé jeudi sur la suite de l’assouplissement monétaire, qui sera basée «sur les données» économiques.
Un bol d’air aux ménages et aux entreprises
La plupart des économistes prévoient que la BCE décidera de nouvelles baisses lors de ses réunions suivantes, jusqu’à ramener le taux de la facilité de dépôt à 2%. Une fois revenue à ce niveau, la politique monétaire de la zone euro serait considérée comme neutre, c’est-à-dire qu’elle ne freinerait ni ne stimulerait l’économie.
La BCE a fortement relevé ses taux dans le sillage de la reprise post Covid-19 puis de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui a fait s’envoler les prix énergétiques. Elle a recommencé à les baisser en juin, apportant un bol d’air aux ménages et aux entreprises, de nature à soutenir les crédits à la consommation, le marché de l’immobilier actuellement atone ou les investissements.
La pérennité de la baisse de l’inflation en zone euro est cependant «très incertaine», met en garde Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. «Il suffirait de nouveaux troubles géopolitiques de grande ampleur pour provoquer un nouveau choc sur les prix de l’énergie, et sur ceux des biens industriels à cause des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, pour que l’inflation reparte à la hausse», souligne-t-il.
L’impact potentiel du dernier plan de relance chinois pourrait aussi stimuler la demande énergétique et donc affecter les prix.