
ÉDITORIAL. Les annonces de la France et de la Commission européenne en matière d’investissements pour l’IA vont dans le sens d’une plus grande indépendance. Mais tout n’est pas encore joué, et de loin
Si bon nombre de promesses autour de l’intelligence artificielle relèvent encore de la science-fiction, l’essor de cette technologie va profondément modifier la face du continent européen ces prochaines années. Les conséquences seront économiques bien sûr, mais aussi sociales, environnementales et géopolitiques. La France et la Commission européenne ont en effet annoncé des investissements dans ce domaine pour plus de 300 milliards d’euros.
«Nous allons avancer vite, très vite», a affirmé le président français, Emmanuel Macron, durant le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février. La France met à disposition 35 sites «clés en main» pour accueillir de nouveaux centres de données. Du côté de l’Union européenne, des «super-usines d’intelligence artificielle» verront le jour dans une quinzaine d’Etats membres.
Des questions en suspens
Ce coup d’accélérateur donné par la France et la Commission européenne vise à doper les capacités du continent en termes de puissance de calcul. Tant Emmanuel Macron qu’Ursula von der Leyen se disent convaincus que la place de champion mondial de l’intelligence artificielle est encore à prendre. «Les Européens doivent acheter européen», a clamé le président français.
Dans le même temps, la France cherche par tous les moyens à renforcer l’acceptabilité de l’intelligence artificielle. Emmanuel Macron s’est transformé, le temps d’un entretien télévisé le dimanche 9 février, en vulgarisateur scientifique pour rassurer sur cette technologie. Il veut que les entreprises et les particuliers l’adoptent massivement.
Une stratégie qui soulève des questions. Car, alors même que les investissements européens produiront des effets, ceux-ci mettront du temps à se déployer. Pour l’heure, ce sont essentiellement les mastodontes américains qui disposent des infrastructures nécessaires pour soutenir une croissance de la demande dans le domaine des services basés sur l’IA.
La tribune publiée dans Le Monde par Sam Altman, le patron d’OpenAI – l’éditeur de ChatGPT –, ne laisse guère de place au doute: s’il applaudit la stratégie d’Emmanuel Macron, c’est bien qu’il y trouve son compte. De plus, ces projets relèvent pour l’heure de la lettre d’intention. Ils devront d’abord se concrétiser. La perspective de voir des dizaines de centres de données sortir de terre en Europe pourrait bien se heurter à des contestations locales. Et ce, pour autant que l’argent suive, ce qui constitue déjà un enjeu en soi.