
Pour lutter contre l’inflation, le gouvernement de Javier Milei a décidé en avril de maintenir le peso à un niveau modérément surévalué. Des résultats ont été obtenus mais l’opération coûte très cher, même avec le soutien de Donald Trump
La bourse argentine et le peso ont eu beau bondir ce lundi matin, après la victoire du parti de Javier Milei aux législatives de dimanche, l’Argentine fait toujours face à un manque de dollars qui pourrait décider de son avenir économique. En avril, l’ultralibéral président argentin a tenté une manœuvre risquée: contenir l’inflation (sa principale promesse électorale) en maintenant le cours du peso à un niveau relativement élevé face au dollar.
Les importations devenant moins coûteuses, l’inflation est passée d’un sommet de 25,5% par mois en décembre 2023 (soit 1427% en rythme annualisé), à 2,1% en septembre (soit «seulement» plus de 28% annualisés).
La devise et la dette
Depuis avril, Buenos Aires doit donc maintenir le peso dans une bande de fluctuation vis-à-vis du dollar. Le pays a aussi partiellement levé le contrôle des capitaux, afin d’encourager les investissements étrangers, notamment pour exploiter ses importantes réserves en hydrocarbures et en lithium. Le gouvernement a alors reçu un prêt de 20 milliards de dollars de la part du Fonds monétaire international (FMI), pour l’aider à soutenir sa devise.
Mais cette stratégie coûte cher, aussi car des spéculateurs parient qu’elle échouera. Le 6 octobre, l’Argentine aurait ainsi vendu 480 millions de dollars sur le marché des changes, selon The Economist. Le lendemain, le gouvernement disposait de 700 millions de dollars de réserves, 2,2 milliards le 26 septembre, selon Bloomberg.
En outre, Buenos Aires devra rembourser environ 47 milliards de dollars à ses créanciers étrangers d’ici à fin 2027, relève Maurice Obstfeld, ex-économiste du FMI. En parallèle, les Argentins ne rapatrient pas assez leurs économies parquées à l’étranger (ce qui soutiendrait le peso) et la balance courante du pays est à nouveau déficitaire (ce qui augmente la demande de devises étrangères et pèse sur la monnaie nationale).
«Trilemme» impossible
Voulant soutenir un gouvernement allié sur le plan idéologique, les Etats-Unis achètent pour des centaines de millions de pesos, ont avancé au gouvernement Milei 20 milliards de dollars (qui devront être rendus) et tentent d’organiser un financement de 20 milliards supplémentaires via les grandes banques américaines. Mais les investisseurs restent sceptiques.
«Entre le contrôle de l’inflation, le maintien du taux de change et la libre circulation des capitaux, le gouvernement argentin poursuit trop d’objectifs simultanés, c’est ce qu’on appelle un «trilemme» impossible en économie. Le pays devra en abandonner un à l’avenir», analyse Gianluca Benigno, professeur d’économie à l’Université de Lausanne.