Israël-Palestine: que font les investisseurs?Pressées par leur base, les caisses de pension s’appuient sur des listes d’entreprises impliquées dans le conflit pour les exclure ou les influencer à travers l’engagement actionnarial La majorité des investisseurs professionnels ont signé des chartes et des principes pour l’investissement responsable qui sont largement imprégnés de droit international. Des caisses de pension, des fonds souverains et des gestionnaires d’actifs définissent même une politique concernant les zones touchées par des conflits. Dès lors, comment ces institutions se positionnent-elles face au conflit israélo-palestinien? Comment s’y prennent-elles? Elles vont d’abord consulter des listes d’entreprises impliquées dans ce conflit et considérées comme complices de l’implantation de colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés. Ces listes sont publiées par les Nations unies et par des organisations non gouvernementales (ONG) comme American Friends Service Committee, Who Profits, et les coalitions Don’t Buy Into Occupation et Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). On y trouve de nombreux secteurs d’activité: armement, technologie, construction, télécoms, tourisme, immobilier, banque, commerce, énergies renouvelables; des entreprises israéliennes, étrangères et multinationales; des petites, des moyennes et des grandes. Pressions de la baseEnsuite, certains investisseurs utilisent ces listes pour désinvestir ou exclure des titres de leur univers de placement. Au cours des dernières années, poussés par leur base, plusieurs fonds de pension du secteur public ont fait ce choix, en Norvège, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et ailleurs. A Genève, Les Vert·e·s ainsi que le Syndicat des services publics demandent à la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève de renoncer à ses placements dans des entreprises et obligations souveraines israéliennes. Les effets de ce type de désinvestissements? Ils permettent à l’investisseur d’aligner ses placements sur ses valeurs et de protéger sa réputation. Mais quid des effets sur le terrain? Les opinions sont partagées. Pour le mouvement BDS, des boycotts ciblés affaiblissent le secteur technologique israélien et, plus largement, l’économie du pays. Cela peut-il infléchir la position du gouvernement actuel sur les colonies et les droits des Palestiniens? Les appels au boycott financier se heurtent à des limites. Les listes d’entreprises impliquées dans le conflit israélo-palestinien incluent des multinationales affichant les plus grandes capitalisations boursières, celles qui génèrent le plus de revenus pour les investisseurs: Alphabet, AMAZON, MICROSOFT, etc. Il est difficile, pour les fonds de pension, de renoncer à ces revenus. De plus, lorsque des investisseurs se séparent d’actions d’entreprises cotées en bourse, ces titres sont rachetés par d’autres investisseurs: l’opération n’affecte pas directement les finances de l’entreprise concernée. Le premier ministre norvégien, Jonas Gahr Stoere (social-démocrate), répondait ainsi, via Reuters, au syndicat LO appelant à un boycott économique complet d’Israël par le fonds souverain de Norvège: «Nous n’avons pas l’intention de changer de stratégie. L’engagement, plutôt que le boycott, est le meilleur moyen d’influencer les comportements.» Les promesses de l’engagementL’engagement actionnarial représente une des principales approches utilisées en finance durable. Elle consiste à investir dans des secteurs ou des régions sensibles et à user de son influence pour amener les entreprises à réduire leurs impacts négatifs et à renforcer leurs contributions positives. Par exemple, le gestionnaire d’actifs néerlandais Robeco a mené un dialogue avec le cimentier allemand Heidelberg Materials qui opère dans les territoires palestiniens occupés. D’après Robeco, ce dialogue a conduit l’entreprise à développer son approche de gestion des droits humains et sa sensibilité au conflit. Citons aussi les démarches du Local Authority Pension Fund Forum (GB) auprès de Motorola et de Bank Leumi. L’engagement peut également prendre la forme du plaidoyer, comme l’illustre la récente «Tribune pour promouvoir une politique et des pratiques responsables des entreprises en matière de droits de l’homme dans les zones touchées par un conflit ou à hauts risques», une initiative du Forum pour l’investissement responsable (France) soutenue par la Fédération internationale des droits humains. L’association Sustainable Finance Geneva sensibilise aussi sur ce thème. Développement économique localLa responsabilité sociale des entreprises s’appréhende aussi à l’aune de leur contribution au développement économique local. En 2008, CISCO a lancé une initiative pour promouvoir le développement du secteur technologique dans les territoires palestiniens, en rassemblant une coalition de 35 entreprises. Selon John Chambers, l’ancien PDG de Cisco: «Le moyen de mettre fin à ce conflit est de créer une classe moyenne très importante et de s’adresser à tous les individus, indépendamment de leur âge, de leur religion ou de leur sexe.» Ce printemps, l’Union européenne annonçait un programme de soutien à la Palestine comportant un volet consacré au développement de son secteur privé. Dans cet esprit, les investisseurs soucieux d’impact économique et social pourraient aussi s’intéresser aux sociétés cotées à la bourse de Palestine (Palestine Exchange). Selon des travaux académiques, les sanctions économiques – seules – sont moins efficaces que lorsqu’elles s’accompagnent d’autres modes d’action. Il en va sans doute de même avec les boycotts. Désinvestissement et engagement sont complémentaires. Les appels critiques d’élus, de partis, d’ONG et de syndicats poussent les investisseurs et les entreprises à faire preuve d’une plus grande responsabilité. Lundi 23 juin 2025, 06h01 - LIRE LA SUITE ![]()
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