Le 3e pilier ne se limite pas à une déduction fiscale. Bien investi, il devient un levier puissant pour préserver son pouvoir d’achat, faire croître son capital et préparer sereinement sa retraite
Si le 2e pilier est une assurance collective obligatoire pour la majorité des employés suisses destinée à maintenir le niveau de vie durant la retraite, le 3e pilier est une démarche individuelle visant à compléter les revenus de l’assurance vieillesse une fois l’activité professionnelle terminée.
Le principal argument mis en avant par les promoteurs de solutions 3a est l’avantage fiscal. En effet, chaque franc versé dans cette épargne prévoyance est déductible du revenu imposable jusqu’à CHF 7056.- pour les salariés affiliés au 2e pilier (CHF 35 280.- pour les indépendants). Ce privilège fiscal génère ainsi un gain immédiat et garanti à hauteur du taux d’imposition du contribuable. Depuis 2025, cet avantage est encore renforcé puisque le Conseil fédéral autorise dès lors d’effectuer des rachats dans le 3e pilier lié (3a). Ainsi, cette épargne individuelle plus flexible s’adaptera mieux aux variations de revenus liées au parcours professionnel de chacun.
Cependant, ces déductions sont la première pierre dans la constitution d’un patrimoine en vue d’une future retraite sereine. Le véritable potentiel du 3a réside dans la possibilité d’investir sur les marchés financiers plutôt que de laisser son argent dormir sur un compte. Dans un environnement de taux d’intérêt réels négatifs, cet aspect est d’autant plus important. Pour mémoire, ces derniers sont la résultante des taux d’intérêt nominaux déduits de l’inflation. Actuellement, le taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS) est à 0%, alors que l’augmentation des prix avoisine 0,3%. Le taux d’intérêt réel est donc de – 0,3%, ce qui signifie que l’épargne non investie perd de la valeur. Depuis 2016, la Suisse n’a plus connu de taux réels positifs. Investir dans l’économie réelle permet de préserver et d’accroître son pouvoir d’achat.
Le véritable potentiel du 3a réside dans la possibilité d’investir sur les marchés financiers plutôt que de laisser son argent dormir sur un compte
Les caisses de pension, auprès desquelles tout employé suisse est obligatoirement affilié, investissent également afin de garantir à leurs assurés des prestations attractives. Elles s’appuient sur le pouvoir de l’intérêt composé, ce mécanisme qui fait croître un capital de manière exponentielle au fil des ans. Ainsi, un individu versant 5000 francs par an dans un placement 3a au rendement moyen de 4% disposera, après vingt-cinq ans, d’environ 208 000 francs, contre 125 000 francs si son épargne restait sur un compte non rémunéré. L’écart de 83 000 francs provient uniquement de ces «intérêts sur les intérêts». Ainsi, plus on commence tôt à constituer un plan d’investissement de pilier 3a, plus le temps devient un allié puissant.
Le risque des marchés financiers est souvent redouté par les novices, cependant cotiser de manière disciplinée chaque année, voire mensuellement, permet de réduire les risques liés à la bourse. Une telle régularité lisse les points d’entrée et évacue le souci de savoir si c’est le bon moment d’investir. Sur le long terme, ce mécanisme réduit l’impact de la volatilité et permet d’obtenir un prix moyen d’achat attractif et donc un meilleur rendement ajusté au risque. Dans le cadre d’un investissement de plusieurs décennies, la constance est un atout majeur pour un rendement optimal.
En tant que professionnel de la prévoyance, nous devons malheureusement constater que les avoirs 3a, une constatation également valable pour les plans surobligatoires 1e, sont trop souvent laissés en compte sans être placés sur les marchés financiers. Cette apparente sécurité cache en réalité un important risque de manque à gagner. L’histoire financière montre qu’un investissement régulier et diversifié sur le long terme s’est toujours révélé plus performant, à l’instar des caisses de pension. Nous ne voyons donc pas de raison recevable pour que la part individuelle de la prévoyance ne soit pas également placée comme le fait le 2e pilier. Aussi et comme précédemment évoqué, investir son capital permet d’éviter l’érosion insidieuse liée des taux réels négatifs.
Une bonne stratégie de placement d’un plan 3a, tout comme pour la prévoyance 1e, ne se conçoit pas isolément. Elle devrait idéalement compléter la stratégie d’investissement de l’institution auprès de laquelle la personne est affiliée, tout en tenant compte de sa situation familiale et patrimoniale dans sa globalité. Pour encadrer cette démarche, la Finma (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) impose aux prestataires d’évaluer le profil de risque de chaque investisseur et veille à ce que les solutions proposées soient en adéquation avec les profils de risque de ces investisseurs. Grâce à un questionnaire, les institutions financières peuvent déterminer la tolérance au risque et orienter les épargnants vers la solution la plus adaptée.
Pour les personnes peu au fait des marchés financiers, rester proches de la stratégie en vigueur de leur propre caisse de pension constitue souvent une bonne solution et est ainsi un simple prolongement de leur 2e pilier. En matière de placement, la règle la plus importante est la constance. «Qui va piano va sano e va lontano», nous rappelle l’expression italienne; elle doit s’appliquer à vos placements car la prévoyance se construit sur la durée. Les investissements dans le 3a et le 1e ne doivent en aucun cas ressembler à des activités de trading. Au sein de notre clientèle, celles qui présentent les meilleurs résultats sont celles qui font preuve de continuité et de discipline.
Dans un marché foisonnant de solutions 3a, le choix du prestataire n’est pas anodin. Si tous vantent leur savoir-faire, outre la réputation de l’établissement, il faut porter une attention particulière aux frais de gestion. En effet, les frais de gestion, souvent peu mis en avant, peuvent avoir un impact substantiel dans la constitution de votre capital retraite. La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP) édicte des directives et impose aux acteurs présents sur ce marché un calcul unifié du TER (Total Expense Ratio), indicateur global des coûts de gestion pour les produits d’investissement. Cette base de comparaison fiable est malheureusement trop souvent négligée lors de la sélection d’un placement.
En effet, des frais trop élevés peuvent significativement grever le rendement. A titre d’illustration, comparons des TER de 0,375% et 1% (réalistes et sans être des extrêmes observés sur le marché) et appliquons-les au programme d’épargne décrit précédemment. La différence issue de cet écart de coûts de 0,625% représente 16 000 francs sur vingt-cinq ans, soit une réduction de 8% de capital, soit l’équivalent de trois années entières d’épargne. Faisons preuve de réalisme, dans un environnement très régulé en matière de gestion d’actifs, générer un surplus de performance de 0,625 point annuel sur 4% de rendement pour compenser ce surplus de coûts reste assez utopique. Ou alors la prise de risque est peu en adéquation avec le but de cette épargne.
A cet égard, comme les épargnants 3a sont obligatoirement assurés dans une caisse de pension, ils auraient tout intérêt à questionner leur institution quant au niveau des frais de gestion appliqués aux avoirs, qui constituent la plus grande part de leur prévoyance. Il est important de garder à l’esprit que la principale source de performance dans la gestion de fortune n’est pas le style mais l’allocation d’actifs. En effet, à long terme une proportion importante de valeur réelle (par exemple 75%) devrait générer un rendement supérieur à un portefeuille composé essentiellement d’obligations et de «seulement» 25% d’actions. Placer sa prévoyance 3a ne relève pas de la spéculation qui sert uniquement nos intérêts personnels. C’est une contribution directe à l’économie réelle: les capitaux soutiennent l’Etat et les entreprises financent l’innovation et créent des emplois. Par ailleurs, de plus en plus de solutions intègrent des critères de durabilité (ESG).
Consacrer un peu de temps à la mise en place d’un plan d’investissement pour son épargne 3a – de même pour ceux qui bénéficient d’un programme surobligatoire de type 1e –, c’est s’assurer au moment de la retraite un capital complémentaire non négligeable pour profiter pleinement de cette nouvelle étape de vie, voire pour envisager une retraite anticipée. Epargner, c’est bien. Investir, c’est mieux.