Deux ans après la tornade de La Chaux-de-Fonds, petite leçon de résilience avec La Semeuse
La célèbre marque chaux-de-fonnière fête ce week-end ses 125 ans. Ni les terribles dégâts subis il y a deux ans, ni les cours élevés du café n’entament la volonté de son propriétaire qui investit dans le développement de l’entreprise
A l’Allée Paysans-horlogers 1, une énorme grue rouge accueille sous un soleil de plomb les visiteurs venus fêter ce samedi les 125 ans de La Semeuse. Contrairement aux apparences, le chantier n’a rien à voir avec la violente tempête qui a balayé La Chaux-de-Fonds en juillet 2023, éventrant l’entrepôt de l’entreprise situé à quelques kilomètres, au Crêt-du-Locle. C’est là que les vents s’étaient particulièrement déchaînés, endommageant d’autres usines comme celle du fabricant de mouvements Sellita.
Près de deux ans plus tard, une version moderne du Vieux chalet flotte dans un air qui se fait rare, même à 1000 mètres d’altitude. Composée en 1911 par l’abbé Bovet, cette chanson romande conte la destinée d’une bâtisse dont les murs blancs et le toit de bardeaux sont détruits par les rochers et la neige. Jean la reconstruira plus belle qu’avant après avoir pleuré «de tout son cœur».
L’histoire ne dit pas s’il y a eu des larmes chez CD Group (propriétaire de La Semeuse et de Choco-Diffusion) ce 24 juillet 2023. Elle garde en revanche en mémoire le choc inouï, les pertes essuyées – la marchandise entreposée a été détruite – et un bâtiment de stockage à reconstruire en un temps record.
Fonctionnel depuis un an, le nouvel entrepôt semble somnoler au loin, contrastant avec la foule qui profite des portes ouvertes pour se documenter avec avidité sur l’histoire de l’entreprise fondée en 1915 par Marc Bloch et sur le processus de fabrication du café. «Le nouveau bâtiment a été conçu pour résister à des vents très forts et offre toutes les mesures de protection nécessaires, développe Nicolas Bihler, propriétaire du groupe croisé dans le hall de production de l’entreprise. L’isolation a été revue et le bâtiment est recouvert de panneaux solaires, façades comprises.» Un modèle d’efficience énergétique.
Le nouvel entrepôt de La Semeuse, 21 juin 2025. Reconstruit après la tempête du 24 juillet 2023, le bâtiment est entièrement couvert de panneaux photovoltaïques.
Nouvelle halle de stockage et torréfacteur dernier cri
De l’énergie, ces deux dernières années «très intenses» en ont demandé beaucoup à l’entreprise qui emploie au total une centaine de personnes (35 pour la marque de café La Semeuse). Car une fois le stockage des produits finis réglé, Nicolas Bihler a remis sur la table un projet d’agrandissement et décidé d’investir plus de 10 millions de francs dans la construction d’un bâtiment à côté du siège du groupe. En lieu et place du chantier qui accueille les visiteurs, un bâtiment de 15 mètres abritera bientôt un nouveau torréfacteur et une zone de stockage pour la matière première, le fameux café «vert» que des producteurs brésiliens et péruviens présentent aujourd’hui aux curieux. Les nouvelles installations devraient être opérationnelles au deuxième semestre 2026. «Si tout se passe bien», précise un Nicolas Bihler devenu expérimenté en matière de travaux.
«Dans un premier temps, il s’agit surtout de remplacer le torréfacteur actuel qui date de 1992», relève celui qui a repris la marque il y a exactement dix ans. A nouveau, le projet va offrir des gains d’efficacité énergétique et réduire l’empreinte carbone de la société. «Tout a aussi été dimensionné pour avoir de la capacité supplémentaire le moment venu.»
De l’huile au café
C’est en 1900 que La Semeuse est placée sur les fonts baptismaux par Marc Bloch. L’homme est issu d’une famille d’épiciers venue d’Alsace et se spécialise dans la commercialisation d’une huile végétale de très haute qualité et pressée à froid. Lorsque la 1re guerre mondiale éclate, l’entrepreneur s’engage dans l’armée française et perd la vie sur le front.
Les débuts de l'entreprise, alors principalement active dans la fabrication d'huile pressée à froid.
Son épouse Hortense, bientôt secondée par ses deux fils, prend le relais. Sous sa direction, en 1924, la jeune société développe la torréfaction du café. En 1992, elle devient une des toutes premières entreprises suisses à proposer un café certifié bio et en accord avec l’éthique de la fondation Max Havelaar. Vingt-trois ans plus tard, elle change de mains et est reprise par la famille Bihler déjà propriétaire de la société Choco-Diffusion.
Aujourd’hui, La Semeuse fabrique chaque année quelque 2000 tonnes de café. Une production qui a plus que doublé au cours des dix dernières années, avec un gros développement notamment outre-Sarine.
Et en plus, le cours du café grimpe
Faisant face à des cours de café au plus haut, la PME neuchâteloise représente un concentré des défis que les entreprises suisses relèvent depuis le début de la décennie. Pas de quoi décourager Nicolas Bihler. Le chef d’entreprise se souvient de ces employés qui, il y a deux ans, sont rentrés de vacances pour relancer la production, tout en signalant aussi l’attitude irréprochable de son assurance.
Sans livrer de chiffres précis sur les résultats financiers de son groupe, Nicolas Bihler indique que les revenus sont en croissance constante depuis la reprise de La Semeuse, se félicitant du fort positionnement historique de la société dans la production bioéthique. Conscient du caractère délicat du sujet, il assure qu'«un gros travail est réalisé à l’origine dans les plantations dans le cadre de divers projets avec nos partenaires pour réduire nos émissions carbone et garantir la traçabilité de nos cafés».
Dernière innovation sortie du torréfacteur de la société, le café Caravela, doublement certifié, illustre ce mouvement. Récoltés au Brésil, les grains traversent l’océan en voilier. Le voyage dure environ un mois, estime l’un des guides du jour qui auront fait voyager l’affluence dans le temps et sur les mers, donnant un nouvel aperçu de la résilience des entreprises suisses.