
ÉDITORIAL. L’initiative des Jeunes socialistes sur les successions angoisse les milieux économiques. Bien intentionné mais dangereux, ce texte représente une belle opportunité de rappeler que la Suisse doit sa prospérité à un climat favorable à l’entrepreneuriat
Mais quelle mouche a piqué les organisations faîtières de l’économie suisse? Alors que la campagne en vue des votations du 28 septembre bat son plein, voilà qu’elles brouillent les cartes en scandant tout le mal qu’elles pensent d’un objet qui sera soumis au peuple… fin novembre.
La source de leurs inquiétudes? L’initiative dite «de l’avenir», qui veut une imposition de 50% sur les successions et les donations de plus de 50 millions de francs. L’argent ainsi prélevé serait alloué à des projets climatiques. Lancé par les Jeunes socialistes, le texte est rapidement devenu la hantise des milieux économiques. Lundi, quatre patrons de PME sont venus expliquer aux médias en quoi, à leurs yeux, cette proposition représente un grave danger pour la pérennité de nombreuses entreprises.
Le mythe du riche patron de PME…
Aussi bien intentionné qu’il puisse être, le texte trahit une méconnaissance de ce qui fait la valeur d’une société, arguent ces entrepreneurs, rappelant que beaucoup d’actifs ne sont pas monétaires, tels des brevets ou un parc de machines. Ils ne peuvent donc pas être utilisés sous forme de liquidités à l’heure de la transmission de l’entreprise.
Par son enjeu, cette votation n’est pas sans rappeler la réforme de l’imposition de l’outil de travail, sèchement rejetée l’an dernier par la population genevoise, même si elle s’attaquait à un problème, largement reconnu, rencontré par les PME du canton. Un exemple parmi d’autres pour rappeler qu’aujourd’hui il ne suffit plus de dire à la population que ce qui est bon pour l’économie l’est aussi pour elle, afin d’obtenir un blanc-seing dans les urnes.
… et celui du miracle helvétique
Impossible de présager à ce stade le sort que les électeurs réserveront à ce texte. Il représente en tout cas une excellente occasion pour marteler que le tant admiré modèle suisse ne tombe pas du ciel. La Suisse d’aujourd’hui récolte dans une large mesure les fruits d’initiatives et d’efforts entrepris par les générations précédentes, une réalité que certains préfèrent occulter.
Alors que le monde se crispe et que l’urgence climatique se fait sentir au quotidien, il est en effet tentant de vouloir faire les poches des «nantis». S’en prendre à des acteurs qui luttent au quotidien pour offrir des emplois et générer de la valeur envoie toutefois un énième signal dangereux, signifiant aux entrepreneurs qu’ils ne sont plus les bienvenus dans notre pays.
S’ils venaient à démissionner en masse, beaucoup découvriraient avec surprise qu’avant de distribuer de l’argent il s’agit de créer de la richesse. Enoncée sur papier, cette évidence peut sonner creux. Si la Suisse devait l’expérimenter dans sa chair, elle prendrait un visage bien plus douloureux: celui d’une société en déclin économique.