ÉDITORIAL. Le géant orange a annoncé mardi de nouvelles suppressions d’emplois et de nouvelles cessions. Avec sa grande restructuration entamée en février, il confirme que le «trublion» du commerce au XXe siècle s’est transformé en une entreprise «normale»
«Migros licencie, c’est terrible», m’a écrit un ami lorsqu’il a vu l’annonce de la première coupe des 150 postes il y a un mois. Il n’en revenait pas. Et mardi, la cure d’amaigrissement s’est poursuivie: 415 autres emplois vont passer à la trappe. Pourtant, en février, le géant orange avait averti. Dans le cadre d’un recentrage sur son cœur d’activités, à savoir les supermarchés en perte de vitesse face à la concurrence, Migros allait vendre certaines activités et supprimer quelque 1500 emplois à terme. Si elle n’est pas une surprise, cette réorganisation laisse un goût amer chez bon nombre «d’enfants Migros» et de coopérateurs.
La coopérative fondée il y a presque 100 ans par Gottlieb Duttweiler (alias Dutti) ne nous avait pas habitués à de telles pratiques. L’entreprise s’est toujours engagée en faveur de diverses actions pour consolider le vivre-ensemble, grâce notamment au Pour-cent culturel Migros. Et pendant longtemps, les prix de ses produits étaient concurrentiels, dans un souci de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à des articles de base et de qualité.
### Coopérative… sans but lucratif
L’étonnement perceptible au sein de la population s’explique aussi par la structure de la société. Migros, rappelons-le, est une coopérative… sans but lucratif. En 2023, le groupe aux presque 100 000 collaborateurs a enregistré un chiffre d’affaires «record» de 31,9 milliards de francs ( 5,9%), mais a vu sa rentabilité plonger à 175 millions de francs, contre 459 millions un an plus tôt. Et, dans son communiqué annuel, Migros affirmait haut et fort que «le groupe affiche une croissance robuste dans tous ses domaines d’activité en 2023».
On connaît la suite de l’histoire. Deux semaines plus tard, le géant orange annonce sa restructuration: jusqu’à 1500 emplois seront supprimés à moyen terme et nombre de filiales emblématiques du groupe comme Hotelplan ou Micasa recherchent un nouveau propriétaire. Après des années de diversification, Migros veut se recentrer sur son cœur de métier, les supermarchés. Ses entreprises du secteur de la santé et sa banque devraient aussi continuer à contribuer aux résultats du conglomérat.
Certes, le commerce de détail fait face à d’importants défis en raison de l’évolution des modes de consommation. Et l’inflation survenue depuis 2021 rend les gens très sensibles aux prix des produits. Mais ces raisons permettent-elles vraiment de justifier la nouvelle stratégie de Migros? De voir quels bénéfices elle amènera pour ses coopérateurs? Des doutes sont permis.