
ÉDITORIAL. Après le scandale des pizzas Buitoni, les révélations sur les traitements opérés par Nestlé sur certaines de ses eaux en bouteille en France et même en Suisse interpellent
Deux jours après les révélations dans les médias français sur des interventions interdites dans les eaux de source telles que Perrier, les actionnaires de Nestlé ne font pas de vagues. L’action du groupe agroalimentaire vaudois est plutôt prisée: elle a progressé de plus de 4,5% en une semaine.
Les investisseurs ont sans doute déjà en tête que les eaux en bouteille ne font plus partie des priorités stratégiques de la multinationale. Ou, peut-être, applaudissent-ils en silence la maestria dont celle-ci a fait preuve pour gérer un dossier épineux, voire explosif. Se dénoncer pour échapper au courroux des autorités représente une méthode éprouvée et souvent efficace. UBS y a eu recours il y a une dizaine d’années dans le scandale de manipulation du cours du Libor, une affaire qui avait d’ailleurs eu raison de ce taux interbancaire qui était fixé en vertu d’une confiance aveugle faite aux banques.
En prenant les devants en 2021 pour informer l’Etat français de l’utilisation d’ultraviolets et de charbon actif pour traiter l’eau de certaines de ses sources – des manœuvres interdites –, Nestlé a fait mieux qu’éviter des sanctions. Il a réussi la prouesse de faire discrètement modifier la réglementation en vigueur, au nom des milliers d’emplois en jeu.
### Un manque de transparence préjudiciable
Pour un acteur qui assurait il y a un an, en publiant son rapport de durabilité, vouloir faire preuve de transparence, la méthode employée interpelle tout de même. Tout comme le mutisme dans lequel il s’était retranché à la même époque à propos de l’identité des organisations bénéficiaires de ses éventuels gains, controversés, en Russie.
Climatiques ou autres, les pressions sur les cours d’eau peuvent légitimer la mise à niveau des règles et leur homogénéisation à l’échelon européen. Cette discussion ne peut en revanche pas avoir lieu en catimini dans des bureaux feutrés, tant le consommateur a le droit de savoir ce qu’il retrouvera dans sa bouteille de Vittel, de Contrex ou de Volvic.
Dans quelques semaines, il faudra chercher une trace de ce scandale dans la mouture 2024 du «carnet de bonnes intentions» du géant veveysan puisque, depuis cette année, le rapport de durabilité est soumis à l’approbation des actionnaires. Sans trop s’engager, gageons qu’ils l’approuveront, quoi qu’il en soit. Ils avaient accepté en 2023 de décharger les dirigeants du groupe, malgré le scandale des pizzas Buitoni contaminées par la bactérie _E. coli_ en 2022.
Cette autre triste affaire amène à s’interroger sur la manière dont les opérations ont été conduites en France ces dernières années. Un problème circonscrit à cette zone? Pas complètement, puisque la multinationale nous a signalé mercredi soir avoir également eu recours à des filtres au charbon actif dans son usine de production de l’eau minérale Henniez.