
ANALYSE. Frédéric Arnault quitte la tête de la division montres alors que le groupe cherche toujours sa position sur l’échiquier horloger. Il y a déjà eu plusieurs remaniements à la direction des marques, mais jusqu’à présent sans grands effets sur les résultats
Les têtes tournent, mais les chiffres n’enivrent toujours pas. Mercredi après-bourse, LVMH a annoncé de nouvelles rocades au niveau du management et l’horlogerie est concernée. Frédéric Arnault, 29 ans, quatrième enfant de Bernard Arnault, quitte son poste de directeur général de la division montres de LVMH — qui chapeaute directement les marques TAG Heuer, Hublot et Zenith, l’horlogerie étant également présente chez Bulgari, Louis Vuitton, Tiffany et Dior. Il reprend la présidence de la marque Loro Piana, spécialiste de la fibre de vigogne – camélidé cousin du lama –, à compter du 10 juin prochain.
Le communiqué officiel précise que Frédéric Arnault rejoindra Loro Piana dès fin mars pour assurer le passage de témoin avec la direction actuelle. Le groupe ajoute que son remplacement à la tête de la division horlogère «sera annoncé prochainement».
Une nouvelle étape d’un grand tournus
Le changement était dans l’air, des bruits circulaient depuis quelque temps sur une nouvelle affectation. La décision s’inscrit dans le grand tournus opéré au sein des marques de montres LVMH depuis l’été dernier. Julien Tornare, par exemple, qui a dirigé Zenith pendant six ans, a quitté TAG Heuer pour reprendre Hublot. Remplacé chez TAG Heuer par Antoine Pin, anciennement à la tête de l’horlogerie de Bulgari.
Et ce ne sont pas les seuls mouvements enregistrés. Frédéric Arnault lui-même a connu une ascension express depuis son arrivée chez TAG Heuer en 2017. D’abord chargé de la stratégie numérique (incluant en particulier la montre connectée), il prend la direction de la marque chaux-de-fonnière en 2020. Puis la quitte en 2024 pour monter au sommet de la division horlogère, où il ne sera donc resté qu’une petite année.
La seule catégorie sans gain de part de marché
Ce n’est qu’un événement de plus dans un département qui se cherche depuis longtemps et ne s’est pas encore trouvé. Les chiffres 2024 démontrent que la trajectoire reste incertaine. La récente analyse sectorielle de MORGAN STANLEY et LuxeConsult met en exergue plusieurs points de délicatesse: «Sur les vingt à trente dernières années, les montres constituent la seule catégorie dans laquelle LVMH n’a pas réussi à gagner des parts de marché (sur une base organique).» Tout en soulignant que le groupe «a de sérieuses ambitions et y alloue des ressources significatives». A l’exemple du partenariat conclu entre TAG Heuer et la formule 1.
Malgré ses efforts, le leader parisien du luxe ne pèse toujours pas très lourd sur l’échiquier horloger. TAG Heuer détient la plus grande part de marché du groupe, estimée à 2% de l’ensemble de l’industrie en Suisse avec des ventes à 670 millions de francs en 2024. La marque a d’ailleurs terminé le dernier exercice en croissance de près de 4%, selon Morgan Stanley. Une avancée «malheureusement plus que gommée par la mauvaise performance de Hublot et Zenith», note la banque.
Sur l’ensemble de son activité horlogère, LVMH occupe une part de marché de 5,7%, derrière Patek Philippe et juste devant Audemars Piguet – deux indépendants, faut-il le rappeler. Au final, le chiffre d’affaires total de la montre ne dépasse pas les 2 milliards de francs. Presque une anecdote en regard des 81 milliards de francs réalisés par le groupe l’an dernier.