
ÉDITORIAL. Le Conseil fédéral a dévoilé un projet de réglementation mesuré à la suite de l’effondrement de Credit Suisse. Mais lors de la prochaine crise, ce sont surtout des qualités humaines qui feront la différence
Un bon compromis helvétique. Deux ans après l’absorption en catastrophe de CREDIT SUISSE par UBS, le projet présenté vendredi par la conseillère fédérale chargée des Finances, Karin Keller-Sutter, représente un paquet de mesures plutôt équilibré pour encadrer les banques trop grandes pour faire faillite. Si la gauche et les milieux bancaires s’époumonent déjà pour dire le mal qu’ils en pensent, pour des raisons évidemment bien différentes, les investisseurs semblent le voir plutôt d’un bon œil: l’action d’UBS a fait un bond de 3,8% vendredi.
Désormais seul établissement suisse d’importance systémique internationale, le groupe dirigé par Sergio Ermotti est en effet la principale, voire l’unique, cible de l’opération. Alors qu’il pourrait devoir augmenter sur une dizaine d’années ses fonds propres de quelque 20 milliards de francs, le fer de lance de la place financière suisse échappe tout de même à un durcissement trop strict des exigences en la matière.
Que restera-t-il de cette première mouture au terme du travail parlementaire à venir? Il ne faut pas sous-estimer le lobbyisme intense qui va être déployé pour atténuer tout ou partie des mesures envisagées, telle la possibilité de confisquer des bonus, d’octroyer des amendes ou d’identifier clairement les responsabilités à la tête des grandes banques du pays.
Une affaire d’hommes et de femmes
Quelle que soit la réglementation finale, elle ne suffira pas pour pleinement rassurer. Malgré les justifications émises depuis des mois, il n’est pas acquis que la honteuse bérézina bancaire à laquelle les citoyens suisses ont assisté n’aurait pas pu être évitée dans le cadre légal actuel.
Pour s’en convaincre, il suffit de visionner le récent documentaire Credit Suisse – Autopsie d’un naufrage. De manière implacable, la réalisatrice Liz Horowitz pointe les zones d’ombre d’une affaire qui n’est pas uniquement due à l’incompétence et à l’arrogance d’une clique de banquiers cupides. Jusqu’à preuve du contraire, personne n’a par exemple forcé le gendarme des banques suisses à assouplir dès 2017 les exigences en fonds propres à l’encontre de CREDIT SUISSE, une faveur qui a masqué la situation catastrophique dans laquelle se trouvait la banque.
Nul ne peut malheureusement non plus assurer que lorsque UBS rencontrera des vents contraires, la personne chargée des finances fédérales saura prendre ses responsabilités, des responsabilités auxquelles Ueli Maurer, en place en 2022, s’est lamentablement dérobé. Ni que les dirigeants de la Finma et de la Banque nationale suisse auront le courage nécessaire pour activer les mesures radicales qui s’imposeront.
Une réglementation est une condition nécessaire mais insuffisante pour éviter une débâcle bancaire. La résolution de la prochaine crise dépendra surtout du courage et du talent des hommes et des femmes qui la géreront. Dans la chute de CREDIT SUISSE, beaucoup en ont cruellement manqué.