
Selon un sondage publié par les journaux de Tamedia dimanche, 53% de la population défend la construction de nouveaux réacteurs dans le pays. Le camp du «non» récolte dix points de moins
Sept ans après la votation défavorable à l’atome de mai 2017, les Suisses semblent avoir changé d’avis. Une majorité d’entre eux se disent en effet prêts à relancer des centrales nucléaires, selon un sondage publié dimanche et réalisé par l’institut LeeWas pour les journaux de Tamedia. Ils sont 53% des sondés à défendre la construction de nouveaux réacteurs dans le pays. Le camp du «non» récolte dix points de moins, à 43%, pour 4% d’indécis.
Dans le détail, 35% des gens ont répondu clairement «oui» et 18% «plutôt oui», tandis que du côté des avis défavorables, 28% des sondés ont dit «non» et 15% «plutôt non». L’enquête montre une importante fracture de genre – les hommes (63%) sont nettement plus favorables à l’atome que les femmes (44%) – mais pas d’âge. La tranche des 18-34 ans s'est toutefois montrée la plus prompte à soutenir une telle énergie, avec 54% d’opinions positives, mais les différences avec les autres catégories d’âge ne sont pas significatives. Les titres de Tamedia n’évoquent pas d’éventuelles différences régionales en Suisse.
### Clivage politique
Le sondage révèle sans surprise un clivage politique gauche-droite important. Parmi l’électorat Vert, 81% des avis ont été négatifs, un chiffre qui passe à 73% chez les sympathisants socialistes. Quelque 59% des militants vert’libéraux manifestent leur désaccord, dont 39% de manière ferme. De l’autre côté de l’échiquier politique, l’électorat UDC manifeste un soutien massif à cette énergie décarbonée et puissante (82%) et 77% des sympathisants du PLR sondés se prononcent pour. Plus d’indécision en revanche chez ceux qui se positionnent au Centre: 52% disent être prêts à revenir sur le vote de 2017.
Cette année-là, un «oui» clair à la Stratégie énergétique 2050 s’était dessiné dans les urnes, avec 58,2% des voix. Le soutien à ce projet avait été particulièrement fort en Suisse romande, où près des trois quarts des votants avaient plébiscité la sortie progressive du nucléaire. Seuls quatre cantons alémaniques avaient glissé un «non» dans les urnes. Parmi eux, figurait le canton d’Argovie, qui accueille sur son territoire trois des quatre réacteurs nucléaires du pays (il y en avait alors cinq; celui de Mühleberg, dans le canton de Berne, a été définitivement arrêté en 2019).
### Contexte différent
Le sondage de LeeWas confirme ce que beaucoup d’observateurs pensaient: l’atome a le vent en poupe depuis quelques années. Il faut dire que le contexte a changé: en 2017, la catastrophe de Fukushima était encore dans toutes les têtes et aujourd’hui la pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont engendré une crise énergétique et des pénuries qui ont fait craindre pour la sécurité d’approvisionnement du pays.
Cette semaine encore, 14 grandes banques – dont
BARCLAYS,
BANK OF AMERICA,
BNP PARIBAS et
GOLDMAN SACHS, mais pas
UBS – se sont engagées à financer de nouveaux réacteurs afin de tripler la capacité nucléaire mondiale d’ici à 2050. Elles s’appuient notamment sur la déclaration finale de la COP28, qui a appelé à accélérer le développement de cette source d’électricité bas carbone – mais qui produit des déchets dont la gestion pose problème.
En Suisse, le Conseil fédéral a relancé le débat sur la question en août en faisant part, sur proposition du ministre de l’Energie Albert Rösti, de son intention de remettre en question l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires.
Ces dernières années, la plupart des nouvelles centrales nucléaires ont été construites en Chine. L’Empire du milieu recense 56 réacteurs en activité et prévoit d’en bâtir une quarantaine ces prochaines années.