
L’opération donnera naissance au deuxième plus grand assureur de Suisse. Le futur géant, fruit d’une fusion «entre égaux», veut devenir un acteur de premier plan en Europe. Des suppressions d’emplois massives sont à craindre
Coup de tonnerre dans le secteur de l’assurance: Baloise et Helvetia ont annoncé mardi qu’ils unissaient leurs destinées. Avec une part de marché d’environ 20%, Baloise Helvetia deviendra le deuxième assureur helvétique, après Swiss Life, mais devant Zurich, La Mobilière ou Axa. En mars dernier, l’agence Bloomberg avait rapporté que les deux compagnies étudiaient depuis plusieurs mois un éventuel rapprochement, mais des experts mettaient en doute les chances de réussite de l’opération.
Le futur poids lourd de l’assurance emploiera plus de 22 000 collaborateurs et affichera un volume de primes brutes de 8,6 milliards de francs dans les affaires vie et de 11,5 milliards en non-vie. «Nous sommes enthousiastes face à cette opportunité unique de créer un leader européen de l’assurance avec de solides racines suisses», a souligné le directeur général d’Helvetia, Fabian Rupprecht.
Les deux assureurs sont des entreprises historiques. Numéro trois de la branche, Helvetia a été fondée en 1858, alors que Baloise, numéro six, a vu le jour en 1863. Le groupe fusionné sera le premier employeur du secteur en Suisse et fera partie des dix principaux assureurs européens cotés, a ajouté Fabien Rupprecht, qui prendra la direction générale du nouveau géant. Thomas von Planta, actuel président de l’organe de surveillance de Baloise, sera proposé à la présidence.
Le début d’une «nouvelle ère»
Cette opération «renforce nos positions sur nos marchés et ouvre une nouvelle ère et de multiples opportunités de croissance ciblée et profitable pour nos actionnaires», a commenté pour sa part le patron de Baloise, Michael Müller. Le groupe sera présent en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Belgique, en Autriche et au Luxembourg ainsi qu’au niveau mondial dans les assurances spéciales. La future entité sera basée à Bâle plutôt qu’à Saint-Gall, actuel siège d’Helvetia.
D’un point de vue technique, c’est Helvetia qui absorbe Baloise. La fusion doit se faire par le biais d’un échange d’actions. Pour une action Baloise, les actionnaires recevront 1,0119 nouveau titre Helvetia. Auparavant, les propriétaires des deux groupes devront donner leur feu vert à l’opération lors d’assemblées générales extraordinaires le 23 mai prochain. Les conseils d’administration des deux compagnies recommandent d’approuver le projet.
Actionnaire de référence d’Helvetia détenant actuellement une participation de 34,1%, la coopérative Patria s’est déjà engagée à donner son feu vert au mariage. La fusion, qui nécessite aussi l’approbation des autorités compétentes, devrait être bouclée au cours du quatrième trimestre 2025.
Vague de rumeurs
Les rumeurs d’une éventuelle fusion entre les deux assureurs ne datent pas d’hier. Elles ont pris de l’ampleur après que l’investisseur activiste Cevian est entré au printemps 2024 au capital de Baloise et a critiqué sa rentabilité. La société d’investissement avait profité de l’abolition d’une clause de protection contre les actionnaires indésirables pour s’immiscer dans le capital de l’assureur rhénan. Elle en est actuellement le premier actionnaire avec 9,4% des parts.
Cevian exigeait la vente des activités en Allemagne. Le fonds d’investissement jugeait également problématique la situation de la Banque Baloise en raison de son ratio de coûts élevé. Mais jusqu’à présent, l’assureur était resté sourd à ces revendications. Cevian ne souhaite pas encore commenter officiellement la fusion des deux assureurs. Hasard du calendrier: l’assemblée générale ordinaire de Baloise, lors de laquelle le représentant du fonds d’investissement Robert Schuchna doit être élu au conseil d’administration, aura lieu vendredi prochain. Avec l’annonce de la fusion, les deux assureurs ont mis leurs actionnaires devant le fait accompli.
Présentant une taille semblable, des marchés complémentaires et «un fort potentiel de synergie», les deux partenaires estiment les conditions d’une transaction réussie réunies. La fusion doit permettre de réaliser des économies annuelles d’environ 350 millions de francs avant impôts, dont 80% devraient être réalisés d’ici à 2028. Quant aux coûts de restructuration, ils devraient atteindre entre 500 millions et 600 millions dans les années à venir. La capacité à verser des dividendes devrait pour sa part augmenter d’environ 20% d’ici à 2029.
«Big bang» pour la branche
Le rapprochement entraînera aussi des suppressions d’emplois, en particulier dans les pays où il existe des doublons, soit principalement en Suisse et en Allemagne. Les réductions d’effectifs, non chiffrées, interviendront «dans la mesure du possible» via des fluctuations naturelles ainsi que des retraites anticipées. A fin 2024, Helvetia employait 14 442 collaborateurs, dont 4143 en Suisse, alors que son concurrent rhénan en recensait au total 7997, dont 4043 en Suisse.
Même si des rumeurs couraient depuis un certain temps, la fusion est «un big bang» pour le secteur de l’assurance, commente pour sa part Andreas Venditti, analyste chez Vontobel, soulignant que le succès d’une telle opération dépend souvent de facteurs comme la culture d’entreprise ou les valeurs. Les investisseurs ont salué le mariage. Les titres des deux assureurs s’affichaient en nette hausse mardi à la bourse suisse.