
Sur le Vieux-Continent, on a rompu avec l’idée de puissance pour préférer celle d’influence. Aujourd’hui, beaucoup se disent qu’il faut réapprendre le langage du rapport de force. Mais la rupture est difficile, nourrie de divergences d’intérêts
Le premier ministre français, François Bayrou, a tout de suite parlé d’un «jour sombre où une alliance de peuples libres se résout à la soumission». L’accord commercial conclu par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avec le président américain, Donald Trump, le 27 juillet dernier, plus avantageux avec ses droits de douane à 15% que ce dont hérite la Suisse, ne convenait pas du tout à la France, qui attendait beaucoup mieux. Cette indignation ne sortait pas de nulle part. Paris et les soutiens d’Emmanuel Macron militaient depuis des semaines pour une ligne plus dure dans les négociations avec le président américain, embrassant le rapport de force avec les Etats-Unis, au risque d’ouvrir une guerre commerciale totale.
Une vision de ce que l’Europe devrait être qu’Emmanuel Macron martèle depuis des mois, voire des années. Le président français avait annoncé la couleur dès son entrée en fonction, en 2017, avec son discours de la Sorbonne. Il militait alors un peu seul pour une Europe plus souveraine. Sept ans plus tard, en avril 2024, de retour dans le grand auditorium de cette institution pour faire le bilan et se projeter, le président français lâchait la notion d’«Europe puissance» qui doit selon lui émerger, l’agression russe en Ukraine et les pénuries de la période covid ayant donné raison à ses intuitions de 2017. Une Europe «plus unie pour peser face aux autres puissances et aux transitions du siècle, plus souveraine pour ne pas se faire imposer par d’autres son destin».
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