
CHRONIQUE. Les récents accords commerciaux annoncés par le président américain ont été analysés comme des victoires personnelles du républicain. Ce sont aussi de véritables bombes à retardement pour l’économie mondiale
Alors que le verdict, très sévère, est tombé pour la Suisse avec 39% de taxes d'importation, les accords commerciaux récemment annoncés entre les Etats-Unis et d’autres régions ont souvent été présentés comme des victoires pour le président américain et des défaites – parfois humiliantes – pour le reste du monde (on l’a beaucoup lu à propos de l’Europe). Ces «deals» montreraient que le républicain peut imposer sa volonté à ses partenaires et que son programme «America First» fonctionne. Après tout, l’inflation ne s’est pas emballée aux Etats-Unis, malgré l’entrée en vigueur des taxes sur les produits importés. La croissance tient toujours le coup dans la première économie de la planète. Mais la guerre commerciale lancée par Donald Trump a déjà des effets négatifs, moins visibles mais pas forcément moins néfastes sur le long terme.
Les tarifs douaniers menacent surtout la croissance. Logiquement, face à des prix soudainement plus élevés, le consommateur réagit immédiatement et arrête de dépenser ou se reporte sur des produits moins chers. Les économistes parlent de destruction de la demande. Cette dernière étant le principal moteur de l’économie américaine, on voit bien le genre d’épée de Damoclès qui pèse sur elle.
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Moins de bénéfices, moins d’investissements
Mais ce risque peut être limité si les entreprises prennent à leur charge une partie du surcoût occasionné par les taxes douanières. Les importateurs comme les producteurs abaissent leurs marges, les seconds demandant à leurs fournisseurs de faire aussi un effort. De larges parties du tissu économique seraient alors contaminées. On verra au cours des prochains trimestres dans quelle mesure les grands groupes internationaux sont déjà engagés dans cette voie.
Donc finalement tout va bien, direz-vous. D’ailleurs, les marchés financiers enchaînent les records, (auto-)persuadés que le protectionnisme aura des effets bénins sur l’économie mondiale. Sauf que cette diminution de la rentabilité des entreprises aura des effets néfastes sur l’emploi et sur les investissements, qui sont les «jobs» de demain. Vu l’incertitude ambiante, difficile de lancer de grands plans d’expansion, même sur le territoire américain, puisque les composants ou les équipements nécessaires sont aussi taxés lorsqu’ils proviennent d’autres pays.
Les Nations unies s’attendent à un nouveau recul des investissements directs à l’étranger cette année, après la baisse de 11% enregistrée en 2024. Mais les effets concrets de la politique américaine commencent à se voir dans les pays qui dépendent massivement du premier marché du monde.
Menaces sur les autres pays
Les tarifs douaniers américains de 15% sur les produits japonais, y compris l’automobile, auront un impact négatif de -0,55% sur le PIB du Japon, selon un économiste du Nomura Research Institute, relève Bloomberg. C’est moins que si les taxes avaient atteint 25%, mais c’est davantage que le taux de croissance moyen de l’économie nippone. Ce contexte pourrait remettre en question les récentes augmentations salariales accordées dans l’industrie automobile, qui avaient participé à briser la spirale déflationniste dans le pays, note encore Bloomberg.
La Chine, elle, devra probablement réorienter ses produits vers d’autres marchés que les Etats-Unis. Ils entreront en concurrence avec la production nationale, souvent plus coûteuse. De quoi peser sur la dynamique économique de certains pays émergents. La politique «America First» risque fort de méchamment secouer l’économie mondiale, avec des répercussions sur les Etats-Unis. Même si cela ne se voit pas encore.