
Les négociations entre la zone de libre-échange latino-américaine et l’AELE, qui comprend la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, durent depuis des années. Berne vise un accord en 2025, mais la partie est loin d’être gagnée
La Suisse tente d’accélérer la conclusion du traité Mercosur-AELE, après des négociations qui s’éternisent. Un accord pourrait être signé cette année encore, a-t-on appris à l’issue d’une tournée d’Ignazio Cassis en Amérique latine, alors que Donald Trump tente de rebattre les cartes dans la région.
«Dans l’idéal, les négociations pourraient se conclure ce semestre pour une signature au deuxième semestre 2025 lors de la présidence brésilienne du Mercosur», indique samedi à Keystone-ATS le porte-parole du Département des affaires étrangères Nicolas Bideau, qui a accompagné la visite.
Ignazio Cassis s’est mis d’accord avec son homologue brésilien, Mauro Vieira, pour finir les négociations au plus vite, précise-t-il. Le ministre s’est rendu cette semaine en Bolivie, au Paraguay et au Brésil. Les trois pays sont, avec l’Argentine et l’Uruguay, membres du Mercosur.
Opposition des milieux agricoles
Les négociations entre cette zone de libre-échange d’Amérique latine et l’AELE, qui comprend la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, durent depuis des années. Cet accord, dont la Bolivie, dernière membre du Mercosur, ne fait pas partie, serait économiquement profitable à Berne, qui verrait ses exportations exonérées des lourds droits de douane appliqués dans la région. Une économie allant jusqu’à 180 millions de francs par an est attendue.
La partie est toutefois loin d’être gagnée, l’opposition agricole étant grande. L’UE, qui a signé un accord en décembre avec le Mercosur, fait face au holà de la France notamment, bloquant une ratification du texte au sein du bloc européen.
En Suisse, le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), membre du groupe d’amitié parlementaire avec l’Amérique latine, prévient déjà que les débats au parlement seront durs. Il pointe également des zones d’ombre sur le contenu du traité. «Lors des dernières discussions au parlement il y a plusieurs années, nous avions été réduits à parler d’un accord que personne n’avait vu», dit-il.
Possible lutte Milei-Lula
S’ajoutent aux discussions les velléités de Donald Trump. Le président américain tente de rebattre les cartes dans la région, où la Chine contre laquelle il mène une guerre commerciale est déjà bien implantée. Et il peut compter sur son allié, le président argentin ultralibéral Javier Milei, pour lui servir de porte-voix.
«On risque d’assister à une lutte entre le Brésil de Lula, qui aura une position pro-Russie et pro-Chine, et l’Argentine de Milei, qui défend une position pro-Etats-Unis», déclare Michel Celi Vegas, avocat et président du Centre d’échanges et coopération pour l’Amérique latine (CECAL), basé à Genève.
Le président argentin a déjà indiqué en marge du WEF être prêt à quitter le Mercosur si cela s’avérait nécessaire pour conclure un accord de libre-échange avec Washington. Mais il pourrait ne s’agir que d’une menace en l’air. Un retrait lui coûterait cher, beaucoup de commerces argentins étant interconnectés notamment avec le Brésil, l’autre poids lourd du bloc sud-américain.
Divisions internes?
Les Etats-Unis vont tenter de profiter d’instabilités politico-financières dans certains pays d’Amérique latine pour grappiller plus de pouvoir dans la zone, indique Michel Celi Vegas. Mais ils ne vont pas prendre la main sur l’économie de la région, qui ne dépend plus d’un seul bloc, comme cela a été le cas par le passé, explique l’avocat.
«L’arrivée au pouvoir de Donald Trump pourrait accentuer les divisions internes en Amérique latine, mais il est trop tôt pour un jugement», indique pour sa part Nicolas Bideau.