
Extrêmement dépendant et fragile, l’archipel des Canaries est le territoire espagnol qui souffre le plus de la concentration touristique
«Guanarteme, en risque d’extinction»: voilà ce qu’on peut lire sur le t-shirt de Lidia Cruz, une institutrice quinquagénaire pleine d’énergie et au sourire désarmant. Guanarteme, c’est le quartier populaire de Las Palmas où elle vit avec sa mère et ses deux filles depuis un demi-siècle dans une maison modeste à l’ancienne, au numéro 17 de la rue Luchana. A une encablure, deux édifices flambant neufs de 12 et de 17 étages et un chantier gigantesque qui a coupé en deux la rue, les pelleteuses bataillant contre des remontées d’eau du sous-sol: un complexe hôtelier va y être édifié.
«C’était un quartier tranquille, d’ouvriers, avec ses garages, ses ateliers et sa fabrique de tabac. Tout ça nous est tombé dessus, personne n’a été consulté. Et aujourd’hui, on a ces monstres de béton, et le bruit, et les camions, et la fatigue nerveuse. Dans ce nouveau chantier, les petits appartements de 35 m² sont annoncés à 900 euros au moins. Qui peut s’offrir cela ici? Personne. Les gens partent vers la périphérie insalubre, les jeunes en premier. Le tissu social est mort, je ne reconnais plus personne. Moi qui viens d’une famille canarienne depuis des générations. Spéculateurs, constructeurs, politiciens, ils ont réussi à me donner ce sentiment… Ou on met fin à cela, ou je ne sais plus quoi vous dire».
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