
CHRONIQUE. La Suisse est un pays d’opportunités avec un modèle particulier. La formation duale, un marché du travail flexible et des institutions libérales font que bien plus qu’ailleurs, la mobilité sociale est possible
Quand il passe en Suisse en 1836, l’écrivain voyageur Alexis de Tocqueville note dans son carnet ce qu’il observe: «Petit pays. Pas de grandes richesses ni de grandes pauvretés.» S’il repassait de nos jours, le constat serait sans doute quelque peu différent. Entre-temps, la Suisse est devenue une nation bien plus prospère, au point de basculer, à la fin du XIXe siècle, en terre d’immigration. Attirés par le travail disponible, et par un cadre libéral qui donne la possibilité de tirer les fruits de son travail, nombreux sont les étrangers à nous rejoindre. Si le pays reste petit, il est devenu plus riche et ses habitants profitent d’une vie généralement agréable. En suivant les thèmes qui intéressent les médias du pays, Alexis de Tocqueville pourrait par ailleurs relever une version contemporaine d’un paradoxe qu’il observait de son vivant, qui veut que «plus une situation s’améliore, plus l’écart avec la situation idéale (inégalités, pauvreté, corruption) est ressenti subjectivement comme intolérable par ceux-là mêmes qui bénéficient de cette amélioration». Autrement dit, plus la population du pays s’enrichit, plus nous sommes choqués de la pauvreté restante, alors qu’elle est devenue marginale. Au lieu de se concentrer sur les éléments qui permettent la richesse et au maximum d’individus d’y accéder.
Ce paradoxe intéresse de nombreux chercheurs. C’est notamment le cas de ceux de l’Institut für Schweizer Wirtschaftspolitik de l’Université de Lucerne. Dans un récent dossier, ils s’intéressent à l’égalité des chances en Suisse. Avec pour but de répondre aux questions suivantes: qu’en est-il de l’égalité des chances en Suisse? Quels sont les facteurs qui la favorisent et ceux qui l’entravent? Les auteurs commencent par préciser que dans une société libre, seule l’égalité des chances est souhaitable. Paraphrasant le Prix Nobel d’économie Friedrich Hayek, qui rappelait qu’il y a «toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude.» L’égalité des chances consiste à s’assurer que personne ne profite d’un privilège indu pour arriver à ses fins, et que tout individu méritant puisse se faire un chemin vers le succès. Mais n’a pas pour but que chacun arrive à un résultat semblable.
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