Cela faisait quatre ans que Bruxelles et Pékin ne s’étaient pas retrouvés face à face dans un sommet. La liste des points à aborder est longue, et les divergences sont souvent profondes
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a appelé jeudi à traiter «les déséquilibres et différends» entre la Chine et l’Union européenne, à l’occasion du premier sommet en face-à-face entre Pékin et l’UE en plus de quatre ans. «La Chine est (notre) plus important partenaire commercial, a rappelé Ursula von der Leyen, mais il y a clairement des déséquilibres et différends que nous devons traiter.»
Le président chinois Xi Jinping a lui appelé à «répondre ensemble aux défis mondiaux et travailler ensemble pour promouvoir la stabilité et la prospérité dans le monde», lors d’une rencontre avec Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel à Diaoyutai, la villa d’Etat du gouvernement chinois à Pékin.
### Tout le monde doit y trouver son compte
«La Chine et l’UE devraient être des partenaires dans le cadre d’une coopération mutuellement bénéfique», a-t-il ajouté, soulignant l’importance de la «confiance politique» entre les deux partenaires. De son côté, Charles Michel a assuré que l’UE souhaitait «une relation stable et mutuellement profitable avec la Chine». Mais «très naturellement, nous allons promouvoir aujourd’hui nos valeurs européennes y compris les droits humains et la démocratie», a-t-il assuré.
Le sommet survient à un moment de reprise des échanges diplomatiques entre Bruxelles et Pékin, au sortir de la pandémie de Covid-19 qui avait isolé la Chine du reste du monde. Depuis plusieurs mois, plusieurs commissaires européens ont ainsi fait le déplacement dans le pays pour renouer le dialogue en personne. Mais les motifs de division restent nombreux, qu’il s’agisse de l’important déficit commercial ou encore de la guerre en Ukraine, deux sujets qui devraient être au cœur des discussions jeudi.
Lors d’une rencontre dans l’après-midi avec le premier ministre Li Qiang, Ursula von der Leyen a réitéré ses inquiétudes quant au «déséquilibre» des échanges commerciaux. «Nous devons nous attaquer aux causes profondes de cette situation et gérer l’impact qui en résulte», a-t-elle déclaré. Le déficit commercial de l’Union européenne avec la Chine a doublé en deux ans pour atteindre le chiffre record de 390 milliards d’euros en 2022, selon la présidente de la Commission.
### La mauvaise nouvelle venue d’Italie
«Nous espérons pouvoir parler du rééquilibrage de ces relations économiques, nous pensons qu’il est important, pour nous qui voulons développer notre autonomie stratégique, de réduire un certain nombre de dépendances et de vulnérabilités», a ajouté Charles Michel, disant espérer «avoir un débat franc et direct sur ces sujets».
L’objectif de la Chine lors de ce sommet est de «protéger son image d’acteur mondial et de rassurer les acteurs européens sur l’orientation que prend l’économie chinoise», estime Grzegorz Stec, un analyste du groupe de réflexion sur la Chine Merics. Mais quelques jours seulement avant le sommet, Pékin a appris une mauvaise nouvelle, avec le retrait de l’Italie des Nouvelles Routes de la soie, a indiqué à l’AFP une source au sein du gouvernement de Giorgia Meloni.
Ce vaste projet d’infrastructures est critiqué par ses opposants comme un cheval de Troie destiné à obtenir une influence politique. En réaction, Pékin a fustigé jeudi le «dénigrement» de son projet, lancé en 2013 sous l’impulsion de Xi Jinping.
### Les Européens n’ont pas confiance
La guerre entre Israël et le Hamas et l’offensive russe en Ukraine devaient aussi figurer à l’ordre du jour du sommet. Pékin a régulièrement été critiqué par les Occidentaux sur le dossier ukrainien. Car si la Chine appelle au respect de l’intégrité territoriale de tous les pays – sous-entendu Ukraine comprise –, elle n’a jamais condamné publiquement Moscou.
En octobre, Vladimir Poutine a également été accueilli à Pékin par Xi Jinping, qui a salué leur «profonde amitié». Par contraste, l’analyste Nicholas Bequelin se montre peu optimiste sur l’issue du sommet UE-Chine, relevant que l’UE n’a «aucune confiance» en Pékin.
«Il est peu probable que les deux parties obtiennent ce qu’elles veulent de l’autre», souligne cet expert du Paul Tsai China Center, un cercle de réflexion. «La Chine et l’Europe sont des partenaires, pas des rivaux, et leurs intérêts communs l’emportent largement sur leurs différends», a insisté cette semaine le porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin. Les tensions autour de l’île autonome de Taïwan devaient également être au menu des discussions.
Sur fond de négociations sur le changement climatique à Dubaï pour la COP28, les dirigeants européens entendent aussi pousser la Chine, premier producteur mondial de gaz à effet de serre, à redoubler d’efforts pour le climat.
Enfin, les dirigeants européens devaient évoquer le dossier des voitures électriques produites en Chine, visées par une enquête de la Commission européenne sur des subventions jugées illégales.