L'indice Nikkei évoluait au-dessus de 39 000 points jeudi matin, effaçant son précédent plus haut historique en séance. Le yen bon marché, le marasme des marchés financiers chinois et l'attrait pour les sociétés tokyoïtes expliquent ce record
La Bourse de Tokyo s'est enfin totalement remise de l'éclatement de la bulle spéculative japonaise au début des années 1990: son indice vedette Nikkei a dépassé, jeudi, son plus haut historique en séance, qui remontait à fin 1989. Le Nikkei évoluait au-dessus de 39 000 points peu après 3h30 GMT (4h30 en Suisse), effaçant son précédent plus haut historique atteint en séance le 29 décembre 1989 (38 957,44 points). Son record absolu en clôture (38 915,87 points le même jour) pourrait donc lui aussi être battu ce jeudi.
Non content d'avoir déjà bondi de 28% en 2023 – sa meilleure performance annuelle en dix ans – le Nikkei a encore grimpé de façon spectaculaire depuis le début de cette année (près de 17%).
Plusieurs facteurs expliquent sa forme éclatante actuellement, selon les analystes. La Bourse de Tokyo est soutenue par «les attentes selon lesquelles le yen bon marché va persister, compte tenu des politiques d'assouplissement monétaire de la Banque du Japon, ce qui entraînera une hausse des prix et des salaires», a récemment commenté Takahide Kiuchi, un économiste du Nomura Research Institute.
La faiblesse durable du yen est liée aux grandes divergences entre la politique monétaire japonaise et celles d'autres grandes banques centrales comme la Fed américaine, qui elle a relevé drastiquement ses taux directeurs depuis 2022. Cette tendance de change rend les valeurs japonaises bon marché pour les investisseurs étrangers, et gonfle artificiellement les résultats des entreprises nippones orientées à l'export. Et la Banque du Japon a clairement fait savoir qu'elle maintiendrait encore longtemps son cap très accommodant, même si elle mettait fin cette année à certaines de ses mesures non-conventionnelles, comme son taux négatif de court terme: de la musique aux oreilles des investisseurs au Japon.
### Un effet Warren Buffett
La Bourse de Tokyo profite aussi du marasme des marchés financiers chinois, lestés par la crise immobilière en Chine et la reprise économique laborieuse du pays. Des investisseurs étrangers sensibles aux risques géopolitiques cherchent aussi des placements alternatifs à la Chine en Asie, et à ce titre Tokyo ne manque pas de charme.
Il y a notamment eu un effet d'entraînement lié à Warren Buffett, le célèbre investisseur américain, qui mise depuis 2020 sur plusieurs sociétés japonaises et qui a réaffirmé l'an dernier sa confiance dans le marché tokyoïte.
Par ailleurs, les sociétés japonaises soignent davantage leurs actionnaires que par le passé, à coups de dividendes plus élevés, de rachat d'actions plus fréquents et d'une diminution de leurs participations croisées.
Des incitations fiscales plus généreuses dans l'archipel depuis 2024 encouragent aussi davantage de Japonais à boursicoter.
### Une économie fragile depuis la bulle spéculative
La Bourse de Tokyo n'est pas menacée par une nouvelle bulle pour le moment, selon les analystes. «Les prix des actions ne sont pas si élevés» par rapport aux cours à la fin des années 1980 quand on les compare avec les bénéfices dégagés par les entreprises, souligne ainsi Asuka Sakamoto, cheffe économiste chez Mizuho Research & Technologies.
La période de la bulle spéculative au Japon à la fin des années 1980 avait été une période d'opulence et d'excès. Le marché immobilier avait atteint des sommets ubuesques: le prix du m2 dans certains quartiers chics de Tokyo était 350 fois supérieur à ceux dans Manhattan, au coeur de New York.
L'atterrissage a été brutal à partir de début 1990, et pendant les trois décennies suivantes, l'économie et la société japonaise ont été marquées au fer rouge par l'éclatement de la bulle.
L'économie japonaise aujourd'hui reste fragile: elle a même accusé une petite récession fin 2023, les consommateurs souffrant de l'inflation combinée à la baisse du yen. Mais la BoJ s'affiche de plus en plus confiante quant à la possibilité d'atteindre son objectif d'une inflation stable autour de 2%, en espérant que les salaires augmenteront désormais significativement, et durablement, dans le pays.