ÉDITORIAL. En réfléchissant à la façon de maintenir l’usage du cash pour les transactions en Suisse, la BNS contribue à laisser le libre choix à la population, que celle-ci soit connectée ou soucieuse de protection des données
La fin du cash, la fin du cash… Bien que scandée depuis des années, la prédiction ne se vérifie pas en Suisse. Dans ce pays où l’argent est une spécialité, les billets de banque et pièces de monnaie conservent un lien non seulement utile mais aussi sentimental, voire philosophique avec une part importante de la population. Au point que la BNS veut défendre ce moyen de paiement.
L’épisode covid a accéléré l’usage des cartes bancaires sans contact, même pour s’acheter un croissant à la boulangerie. Il a également favorisé l’essor des applications sur smartphone permettant les paiements en magasin ou sur internet et les transactions entre particuliers. Mais il n’a pas tué le cash, révélant ainsi combien les Suisses – et pas que les séniors – demeurent fidèles à l’argent liquide.
Cette forme d’équilibre sur le front des moyens de paiement a ses enjeux et ses tensions. Le commerce qui ne propose pas l’application vedette Twint [parce que cela lui coûte trop cher](https://www.letemps.ch/economie/twint-coute-cher-aux-commercants) suscitera l’incompréhension, voire la colère des clients les plus connectés, estimant ignorée leur liberté de renoncer au cash. Un mot clé est lâché: liberté. Car c’est également à lui que se réfèrent les adeptes du liquide, soucieux de pouvoir payer leur dû sans laisser de trace, ou le moins possible (il a bien fallu un moment retirer l’argent quelque part). «L’argent liquide, c’est la liberté», proclame même une initiative populaire déposée l’an dernier par le Mouvement de… liberté suisse.
### Révolution au quotidien
Mais, comme souvent avec le numérique, l’argument de protection des données vient se heurter à la facilité d’utilisation, qui est une autre forme de liberté. Dans les familles, Twint et ses concurrents, [même s’ils connaissent aussi leur dose d’arnaques](https://www.letemps.ch/economie/prudence-une-multitude-d-arnaques-sevit-autour-de-twint), ont révolutionné les pratiques quotidiennes: en quelques secondes, votre enfant peut recevoir 20 francs pour acheter des chaussettes repérées dans un magasin. Après un repas entre amis au restaurant, finie la galère de l’addition pour le personnel (mais pas forcément pour la répartition entre convives!), une personne paie le tout et les autres lui «twintent» – il y a même un verbe entré dans le langage courant, c’est dire.
La question des moyens de paiement en Suisse ne revient donc pas à fixer une date pour la fin de l’argent liquide. Elle interroge non seulement sur notre rapport à l’argent, mais aussi sur notre libre choix. Que la BNS favorise celui-ci, même pour des motifs pragmatiques, est plutôt une bonne nouvelle qui vaut son prix, que l’on paiera comme on voudra.
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